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Il était une fois un petit soldat, un parmi tant d’autre qui composait la grande armée du Royaume de cœur. Il fit la guerre contre les pays voisins, contre les royaumes voisins, et même contre les voleurs de fleurs ou de flamants roses. Vie hautement passionnante pour un garçon assoiffé de bataille, de violence, et de mort. Puis un jour, l’horloge du roi cessa de fonctionner, les aiguilles arrêtèrent leur course et il fut temps pour la volonté du pays des merveilles de lui trouver un remplaçant. Gabriel fut donc choisi sans qu’il n’ait vraiment la possibilité de refuser et sans, d’ailleurs, en avoir la moindre envie.
Après tout, devenir roi de cœur c’était devenir le chef d’une armée. Un grand chef. Un grand guerrier. Et avoir une vie hors du commun. Plus besoin de surveiller les fleurs. Plus besoin de veiller sur les flamants roses. Juste être roi et faire la guerre. Mais après dix années passées sur les champs de batailles, après dix années qui le rendirent plus froid, cruel, et sadique, il fut temps de rentrer au pays. Quelle ne fut pas sa surprise quand il tomba nez à nez avec une nouvelle reine. Une nouvelle reine qui avait des projets pour lui. Et pas des moindres.
Lui qui rêvait de liberté, et de trainées de sang, il fut bientôt contraint à abandonner tous ses rêves. Plus de guerre. Plus de mort. Finalement, il ne restait plus qu’un pantin affublé d’une couronne en papier. Pas même le pouvoir de désobéir à la reine. Après tout, c’est elle le véritable souverain du royaume. Contrait à passer des jours entier à écouter ses babillages, ses caprices, et ses humeurs en tout genre… Mais cela ne pouvait pas durer. Cela devait cesser au plus vite.
C’est ainsi que le roi se mit à changer. Petit à petit, se défaisant de l’autorité de la reine. Ne l’écoutant plus du tout, alors qu’il était censé être celui qui montrait l’exemple au reste du Royaume. Pas étonnant que le royaume de cœur ne tourne plus rond.

Le lapin blanc, même si cela ne se voit pas, est l’une des plus vieille figure du pays des merveilles. A croire que courir dans les sens en hurlant qu’on est en retard ça conserve ! Et ça conserve même très bien. Quoi qu’il en soit, cela fait maintenant très longtemps qu’Eliott Delay a été nommé « lapin blanc » par la volonté du wonderland, et qu’il remplit très bien cette fonction. Avant cela ? Et bien il n’était rien d’autre qu’un petit villageois sans vraiment d’envergure, pas même un peu de classe… Rien du tout. Autant dire que les décisions des plus hautes instances sont parfois des plus étranges!
Mais le pauvre petit rechigna à la tâche. Il traina les pieds. Continua à passer son temps au village, et en oublia même les prérogatives dues à son rang. Dès lors, il fut frappé d’un grand malheur, comme pour lui rappeler, qu’il n’avait pas le choix, qu’il en étain ainsi. Un point c’est tout. Et le village disparu tout simplement du pays des merveilles. Gommé à jamais à cause de lui, et uniquement par sa faute. On ne rigole pas avec la volonté du Wonderland où celle-ci frappe, et elle frappe fort.
Plus question de rigoler. Plus question même de contester quoi que ce soit. Ce châtiment le changea à jamais, installant en lui une peur panique de ne pas remplir à temps les taches qui lui incombaient. Une peur panique d’arriver trop tard, de ne pas tout faire correctement, de ne rien faire. Il bondit. Il court. Il marche. Mais toujours le lapin blanc se trouve dans l’action, et les rares moments où il est d’un calme relatif c’est quand il s’assoupit.

Son obsession est le Temps.

Il était une fois un as de cœur. Le général de la garde de la reine de cœur, qui en eut assez des multiples assauts du chat de Cheshire sur ce qu’il considérait comme son territoire. Il prit la décision d’aller mettre fin à conflit incessant entre les deux royaumes. Lui ne revint jamais, mais un nouvel As de cœur prit sa place. Ce que les gens ignorent, c’est que ce ne fut pas le chat qui vint mettre fin au jour de l’As précédent. Le chat n’eut d’ailleurs pas le plaisir de voir l’As arrivé jusqu’à elle. Non, le meurtrier, celui qui planta son couteau dans les entrailles du général sans crier gare, ce ne fut personne d’autre que Mathew. La volonté du Wonderland est parfois un peu décalée. Complétement ahurissante. Et elle propulsa le jeune Mathew, alors âgé de dix-sept ans, au poste d’As de cœur.
Cela fait bientôt dix ans qu’il tient ce rôle. Et bien qu’il soit en apparence tout ce qu’il y a de plus fidèle à la reine, lui obéissant dès qu’il le faut vraiment, il a aussi cette tendance bien embarrassante qui consiste à tisser des liens avec les autres Royaumes. Est-il un traitre pour autant ? Allez savoir. Il semblerait tout simplement qu’il fasse ce qu’il veut de son temps libre… Mais il est certain que si la reine venait à lui ordonner de tuer, massacrer, torturer quelqu’un qu’il apprécie il le ferait sans rechigner. Non pas parce qu’il s’agit d’un ordre de sa souveraine, mais tout simplement parce qu’il aime ça.

De mémoire d’habitant du Wonderland jamais Absolem ne fut incarné par une femme, et jamais il ne fut incarné non plus par une personne aussi jeune. Absolem c’est un peu comme un symbole, une véritable petite bombe de sagesse qui reste presque inerte durant des heures et des heures, allongé sur un champignon ou sur toute autre surface plane à fumer cigarette sur cigarette. Pas besoin d’être très qualifié pour ça… Mais si difficile à trouver au sein du Wonderland, si bien qu’il fallut aller le chercher ailleurs.
Violet n’est donc pas nait au Wonderland, elle y est arrivée en suivant le lapin blanc. Choisie alors qu’elle n’avait pas plus de vingt ans pour prendre la place du malheureux disparu. On ne peut pas dire que ce changement de situation et de monde ne lui fut pas profitable. Adieu les études. Adieu les tracas d’un monde ennuyeux. Elle n’avait plus qu’à se prélasser, à fumer, et répondre aux questions qu’on venait lui poser durant des heures et des heures. Juste des heures à parler seul ou avec une personne quelconque.
Il est aujourd’hui assez rare de la voir ailleurs qu’au Royaume de cœur, elle semble être fatiguée de tout, et n’a pas la moindre envie de se déplacer aussi loin que cet énorme coussin qui se trouve en plein milieu du terrain de croquet. Absolem est la seule créature que la reine prend plaisir à côtoyer sans hurler « qu’on lui coupe la tête ». Pourquoi ? Allez savoir ? Peut-être simplement parce qu’elle a un cœur et non une horloge qui fait tic-tac dans sa poitrine.